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E03 Swiss Lakes

Type de travail: Enoncé théorique de master
Contexte:
Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne
Période de l’étude:
2015

Auteurs:
Allan Cunningham, Max Florean
Groupe de suivi:
Prof. Harry Gugger, Barbara Costa, Prof. Luca Ortelli


Un concept spatial pour un territoire métropolitain

Swiss Lakes observe l'urbanisation de la Suisse en se concentrant sur ses lacs. Elle étudie comment ces marques territoriales ont influencé et orientent encore les différentes formes de développement urbain observables à travers le pays. Le territoire suisse est structuré par son relief montagneux et son réseau hydrographique : alors que les chaînes de montagnes des Alpes et du Jura représentent 70% de la superficie du pays, leurs 100 plus grands homologues lacustres - chacun d'une superficie de plus de 30 ha - se développent le long de plus de 2'200 km de rives (1,2 fois la longueur des frontières du pays) et occupent 5,5% de ce territoire national. Par ailleurs, dans la partie urbanisée et non alpine de la Suisse, où vivent environ deux tiers de la population, les 37 lacs de moins de 700 m d'altitude représentent 2'075 km2 sur un total de 2'180 km2 de lacs. Cela représente 17% des 12'400 km2 de territoires non alpins. Bien qu'orientant et contraignant le développement spatial des villes du plateau, ces lacs ont des potentialités et des qualités majeures : ils sont des vides centraux qui organisent leur périphérie, des espaces publics non construits, des respirations dans le paysage, des cadrages et/ou des panoramas de leur environnement, mais aussi des lieux de fréquentation particulière, des lieux d'intérêts économiques particuliers, des lieux d'identités et de caractères particuliers.

Une hypothèse territoriale

Les lacs suisses ont fasciné de nombreux peintres, cinéastes et écrivains, car ils ont été un moyen de percevoir et d'imaginer la profondeur de ce territoire. Pourraient-ils devenir des moyens de percevoir et d'imaginer l'urbain ? En établissant un atlas comparatif, Swiss Lakes donne au lecteur une vue d'ensemble des différentes structures urbaines schématiques identifiables le long de ces rives et arrière-pays lacustres. Pour chaque thème, une vue isolée de chaque grand lac est proposée, et ainsi, le lecteur peut facilement comparer les différents phénomènes urbains observables entre ces lacs. La deuxième partie de Swiss Lakes propose une hypothèse pour les futurs développements urbains et démographiques du pays. Elle est destinée à être lue en parallèle de l'atlas, sans ordre particulier.

Cette hypothèse part d'un état territorial comme ressource pour le projet : la topographie héritée de la Suisse et son réseau urbain hérité. En adoptant un postulat extrême - celui d'une Suisse hypothétique de 15 millions d'habitants - nous observerons comment les mécanismes et les structures schématiques observés dans l'atlas comparatif pourraient être utilisés pour répondre aux besoins d'une telle Suisse hypothétique. Par la manipulation, comment ces modèles et leur réseau pourraient-ils soutenir une métropolisation harmonieuse et une densification optimisée de la région helvétique ? Comment pourraient-ils intensifier son sous-réseau de villes secondaires et conserver leurs spécificités, tout en faisant face de manière réaliste à la domination de trois grandes régions métropolitaines ? En d'autres termes: comment imaginer d'utiliser un territoire structurant comme une ressource pour une métropolisation structurée ?

Souligner les éléments territoriaux structurants

Les lacs occupent une position centrale dans le territoire suisse et ses structures déterminantes. En montrant les relations que ces lacs entretiennent avec la topographie, l'hydrographie, l'habitat et les principales infrastructures ferroviaires et routières, cette carte donne un aperçu général des principales caractéristiques de ces structures imbriquées. En ce qui concerne la morphologie urbaine, quelques types émergent. Le plateau du Mittelland présente un modèle continu de villages dispersés contrastant avec des agglomérations densément peuplées et uniformément réparties le long d'éléments territoriaux et infrastructurels structurants. Dans les vallées alpines, on trouve des agglomérations linéaires très contraintes. Dans les vallées alpines, on trouve des conurbations linéaires très contraintes alors que le massif jurassien présente une série de plis urbanisés parallèles. Il existe une forte corrélation entre la conception des infrastructures et la structure topographique et hydrographique générale. Pour des raisons triviales, les infrastructures à grande vitesse suivent les trajectoires les plus plates permises par ces géomètres. Dans le même temps, les réseaux routiers secondaires présentent un maillage isotrope sur l'ensemble du plateau, ce qui garantit une accessibilité quasi homogène aux établissements périphériques et ruraux. Au croisement de toutes ces structures territoriales, les lacs et les rivières s'imposent comme des points de convergence de l'urbanisation.

L'agglomération secondaire des rives du lac

Parmi les différents systèmes urbains observables dans l'espace fonctionnel helvétique, nous pouvons observer plusieurs types d'aires urbaines. De ces types, il est possible d'extraire des entités particulières, sur lesquelles nous allons nous focaliser à partir de maintenant : les agglomérations secondaires lacustres. Cette carte fonctionne donc comme un filtre opératoire pour les observations suivantes. La définition des agglomérations de l'OFS [2012] définit les contours de 49 agglomérations urbaines et de 28 centres urbains hors agglomération, comme illustré ici. Leur définition des aires métropolitaines [2005] est également utilisée dans cette représentation. Les agglomérations sont définies selon des indicateursconcernant la population, la superficie, les activités et le tourisme. Parmi elles, 24 sont des agglomérations urbaines au bord du lac et 9 des centres urbains au bord du lac hors agglomération. Si nous prenons en compte leur population respective, nous pouvons observer que 63% de la population urbaine - en comptant la population étrangère - vit dans un environnement urbain lacustre. Pour des raisons que notre hypothèse développe - concernant les dynamiques spécifiques liées aux processus de métropolisation - nous avons choisi de nous concentrer sur les aires urbaines non métropolitaines. Après ce choix fait a priori, il nous reste 11 lacs comprenant ces types de systèmes urbains.

Relation territoire–lac

En se concentrant sur les relations entretenues entre les lacs et leur territoire, cet ensemble de cartes met en évidence les liens entre ces lacs et leurs contextes topo-morphologiques. Tout d'abord, les relations visuelles et paysagères sont décrites par la surface du cône visuel. Elle détermine l'aire de visibilité du lac dans sa région environnante en fonction des inflexions du terrain. Elle ignore volontairement les obstacles bâtis ou naturels qui pourraient bloquer ces relations visuelles afin de prendre en compte les potentiels démontrés par la topographie. Ainsi, une représentation générale de l'influence visuelle des lacs est donnée. Le gradient orographique montre les variations de pente du terrain. Il donne une idée des degrés d'appropriation dont fait preuve ce terrain tout en mettant en évidence les variations et ruptures topographiques autour des lacs. En montrant ces relations spatiales, il donne une idée de la façon dont la topographie peut être un élément de formatage - ou non - autour de ces lacs. Enfin, le sous-bassin versant donne une autre clé dans cette lecture morphologique, et montre les limites d'un système hydrographique discret dans chaque cas. Ces sous-bassins versants renvoient à une autre dimension de ces territoires: celle de leurs écosystèmes, de l'irrigation naturelle et des continuités paysagères.